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En coulisses avec Pit Wagner

Dans les coulisses de Lucilin in the City #11 : Live painting concert, rencontre avec Pit Wagner. Illustrateur, peintre et graveur luxembourgeois, Pit questionne depuis de nombreuses années le lien invisible entre les différentes formes d'expression artistique. Dans cette interview inédite, il revient sur son parcours et sur la manière dont il prépare sa prochaine performance avec Danielle Hennicot.

Commençons par le début, comment s’est passée ta rencontre avec United Instruments of Lucilin ?

Lucilin et CEPA étaient colocataires au Carré à Hollerich. J’y donnais des cours de dessin et en tant que membre du CA du CEPA, nos chemins se sont souvent croisés.
Avec Danielle Hennicot, j’ai fait l’expérience du Live Painting lors d’un de mes vernissages. D’où l’idée d’approfondir l’expérience. Je suis ravi que cela se concrétise enfin !

 

Parle-nous de ton rapport avec la musique et plus particulièrement de ton rapport à la musique contemporaine.

C’est une longue histoire ! Depuis mon enfance, j’écoute de la musique contemporaine, même si cela me faisait passer pour un marginal aux yeux de mes camarades qui ne comprenaient pas mon intérêt. Mais pour moi, cette musique était fascinante !

Pendant mes études artistiques à Amsterdam, j’allais dessiner dans des concerts de jazz et des jam sessions. Dans les années 80, j’ai souvent dessiné pendant les répétitions de l’Orchestre Symphonique de RTL, devenu le Luxembourg Philharmonic. J’y suis retourné régulièrement pour dessiner et étudier le rapport entre la musique et les arts visuels. Cette recherche fait partie des questions que je me pose sur l’art en général, la littérature, le théâtre, la musique, la peinture… Ces formes d’art ont quelque chose en commun, même si ce n’est pas évident au premier coup d’œil : on va au-delà du rationnel. Je suis attiré par les projets pluridisciplinaires.

 

Au cours de tes expérimentations, as-tu réussi à dégager des règles pour transcrire la musique en peinture ?

Avant de parler de transcription, il faudrait peut-être parler de la différence et de ce qui lie ces deux médias : le temps. Quand la musique s’arrête, les sons s’évaporent, ils disparaissent. La musique est finie, et il ne reste que l’impression qu’elle a laissée. En revanche, quand je peins, cela reste.

Au départ, ma recherche était plutôt figurative, mais au fil de mes essais, j’ai découvert de nombreuses structures et rythmes, rendant le tout de plus en plus abstrait. Le figuratif et l’abstrait se mélangent, ou se côtoient, suivant la musique et les émotions qu’elle véhicule. Il n’y a pas de règles strictes, c’est une question de ressenti personnel. J’essaie de traduire les sons et les atmosphères en images de manière sensorielle.

Le point commun, le pont entre le visuel et la musique est que l’on parle des couleurs des sons et des tons des couleurs.

 

Quel est l’objectif artistique que vous espérez atteindre en associant peinture et musique sur scène ?

Ce concert est une aventure sensorielle. En combinant l’acoustique et le visuel, le spectateur est immergé, ce qui lui permet une compréhension différente de la musique. Du moins, c’est ce que nous espérons ! Peut-être que ce concert suscitera un nouvel intérêt, que ce soit pour la musique contemporaine ou pour la peinture. L’idée est de créer des passerelles. Cependant, cela ne sera pas un concert didactique. Ce qui nous unit, Danielle et moi, sur scène, c’est avant tout le plaisir. J’aime dessiner et Danielle aime jouer de l’alto. Et au-delà du plaisir, il y a toute notre démarche artistique.

En tant qu’artistes, nous sommes des chercheurs. Combiner différentes formes d’art n’est pas nouveau, d’autres artistes, musiciens et peintres l’ont fait et le font, mais l’approche est personnelle.

Ma démarche technique pour le concert avec United Instruments of Lucilin découle des expériences de Live Painting que j’ai eues avec d’autres ensembles.

 

Comment te prépares-tu à cette performance ?

Je me prépare depuis un moment déjà et j’ai réfléchi longuement au dispositif artistique. Je connais le programme, je connais les pièces.
Les quatre pièces sont très différentes, donc je choisis mes matériaux de manière à pouvoir réaliser une image par morceau. Le temps qui passe est un défi.

Initialement, j’avais envisagé d’utiliser une tablette numérique, mais le son de l’alto est tellement organique que cela me semblait déplacé. L’alto est l’un de mes instruments préférés, et je pense que l’aspect organique des encres, des pinceaux et tout le reste est plus à même de rendre son caractère. Je fais des essais pour gérer le temps dont je dispose.

J’adapterai ma démarche à la nature de chaque morceau. Si j’étais un peu perdu au début, je commence à me sentir à l’aise. J’ai travaillé sur la structure globale, je sais comment je vais procéder tout en laissant de l’espace à l’improvisation. Je travaille avec des encres qui se diffusent et se mélangent , donc il reste des zones incontrôlables. J’aime réagir aux accidents de parcours qui rendent les images vivantes. Je soigne l’imprévu dans le cadre d’un plan structuré.

 

Si tu devais donner une couleur à tout ce programme ?

Question difficile. Tout mélanger donnerait une couleur sale. Je travaille en partie en noir et blanc, puis avec des encres pigmentées. Chaque pièce a ses propres couleurs, sa propre tonalité.

 


Lucilin in the City #11: Live Painting
28.01.2024 | 17:00
Drescherhaus, Dommeldange

Pour assister à la performance de Pit Wagner et Danielle Hennicot, pensez à réserver votre place : reservation@lucilin.lu

Programme détaillé :
Anna Thorvaldsdottir: Sola (2019)
Missy Mazzoli: Tooth and Nail (viola version) (2010)
François Sarhan: Inexplicable (2022-2023)
Kaija Saariaho. Vent nocturne (2006)

Avec :
United Instruments of Lucilin
Danielle Hennicot, alto
Madtrix, electronics and sound projection
Pit Wagner, pinceaux, végétaux, encres et papiers

Billetterie :
Entrée seule: 10€ / réduit 5€ / Kulturpass 1,50€
(paiement sur place)

Photos: © Anneke Walch / Claude Piscitelli